Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pretty Girls make graves

Pretty Girls make graves
Archives
Articles récents
25 février 2006

mon père

«Ton amitié m'a souvent fait souffrir ; sois mon ennemi, au nom de l'amitié»

William Blake

Il y a des journées qui restent gravées dans notre mémoire. Même si on essaie d’effacer les bribes de souvenirs. Ce jour là, je peux dire de quelle couleur exactement étaient les rideaux teintés par la mauvaise lumière, la sonorité exacte de la pluie sur le carreau de la fenêtre, le ton énervé et amusé, cynique et désabusé de la voix de mon père. Les parents allaient se séparer. Dans des conditions si terribles que je ne saurais les écrire.

Plus jamais je n’aurais de souvenir de couple et de famille, jamais, plus jamais.

« Ca vous fairait quoi les filles si vous appreniez que j’avais trompé votre mère » ? Réponse à ce qu’on prenait pour une blague : « On l’étriperait, l’éviscèrerait, et puis on lui jetterait des pierres à la maîtresse. » Bon, et bien, c’est ce qui est arrivé. Consternation. DOULEUR. Larmes. INCOMPREHENSION. Après ça, je ne lui ai plus parlé pendant de très longues années. Parce que celle qu’on n’avait pas étripée (l’occasion ne s’était pas présentée) lui interdisait de voir ses filles. Jalouse, nous dit-on alors. Comment peut-on être jaloux de l’amour filial, surtout si celui-ci n’existe pas, ou du moins pas autant que l’amour absolu ??? Comment peut-on renoncer à voir sa fille ? Comment. Depuis le sentiment d’abandon ne m’a plus laché. Jamais. A chaque rupture, à chaque défaite, à chaque fin de non recevoir, la plaie filiale se ré-ouvrait. Plaie béante, saignante, infectée. Recousue à la hâte, là où il aurait fallu une psychothérapie carabinée. J’ai appris à me passer de toi, Papa.

Je n’ai jamais réussi à t’appeler papa par ailleurs, je te donnais à la place un surnom bidon. Et pourtant je t’aime. Comme on aime un bourreau, un absent, un manque, une distance. Comme on aime la souffrance. Comment en vient-on à aimer celui qui vous abandonne, à être ami avec l’ennemi?…COMMENT. Pas de réponse.

Je sais qu'il déteste la moindre de mes réussites et m’aime mieux quand je suis malheureuse. Il ne m'appelle presque pas. Parfois j’aimerais qu’il me dise, simplement : « Je ne t’aime pas, et je ne t’ai jamais aimé ». Alors je brulerais nette la plaie. Eau oxygénée. Fin assumée. Cicatrice intérieure refermée.

Publicité
Pretty Girls make graves
Publicité
Publicité